La justice française a déchu, la semaine dernière, une Franco-Turque de sa nationalité, condamnée en 2017 pour avoir préparé un attentat. Depuis 2002, le droit français a touché 31 personnes, notamment 18 dans les 4 dernières années. Alors que se passe-t-il exactement ?
La loi Guigou de 1998 a limité la possibilité de perdre sa nationalité française aux binationaux, afin d’éviter la création d’apatrides, ce qui est en contradiction avec le droit international et l’article 15 de la DUDH, qui déclare que « tout le monde a le droit à une nationalité » et que « personne ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité ».
Elle ne s’applique qu’à ceux qui ont obtenu leur nationalité française dans les dix dernières années. Le délai étant allongé à quinze ans pour les cas de terrorisme. Donc, il n’est pas possible de retirer la nationalité d’une personne qui est née Française.
En France, si une condamnation judiciaire a été prononcée, la déchéance de nationalité peut être imposée comme sanction. Une fois cette décision prise, elle sera soumise au Premier ministre et au Conseil d’État pour leur approbation. La personne concernée pourra ensuite faire part de ses observations dans un délai d’un mois.
Si vous êtes accusé d’une infraction ou d’un crime, la peine alternative peut vous être imposée, selon l’article 25 du Code civil. Ces infractions et ces crimes comprennent :
Si quelqu’un est condamné pour des actes qui portent atteinte aux intérêts nationaux fondamentaux, comme la trahison ou le terrorisme, il y aura des sanctions.
Les personnes occupant des postes publics qui commettent des délits qui touchent l’administration publique sont passibles de sanctions. On pense aux abus de pouvoir visant l’administration ou les citoyens, à la corruption, au trafic d’influence ou au détournement de fonds.
Il est admis que certaines personnes sont inadmissibles à la nationalité française. Ceux qui ont opté contre le service national, même si celui-ci a été suspendu, ou qui ont commis des actes nuisibles aux intérêts de la France, tels que l’espionnage pour le compte d’un autre pays, en font partie.
La France a lancé la déchéance de nationalité des terroristes condamnés en 2002. Ce qui explique pourquoi le nombre de personnes déchues de leur nationalité s’est accru, selon Jules Lepoutre. Et ce, à cause de l’augmentation des condamnations pour terrorisme.
Une fois privé de sa nationalité, une personne devient étrangère à la France et perd le droit d’y résider à temps plein ou d’exercer ses droits politiques ou civiques. Mais ce n’est pas automatique et une procédure spéciale est mise en place, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Depuis quand peut-on perdre sa nationalité ?
La loi actuelle a été instaurée dans les années 90 mais ses origines remontent à 1927. Jules Lepoutre a expliqué ce fait en disant que « la procédure de déchéance de nationalité était pensée comme une contrepartie face à l’augmentation des naturalisations. Puisque l’État facilitait les naturalisations, il se réservait le droit de retirer la nationalité en cas d’erreur. »
Depuis le début des années 2000, le chercheur a remarqué que « les choses ont changé ». Maintenant, les déchéances de nationalité concernent des gens qui sont nés et ont grandi en France. Par opposition à ceux qui ont obtenu leur naturalisation plus tardivement et qui ont grandi à l’étranger.
Les périodes de trouble sont parfois des occasions de privilégiées pour priver des gens de leur nationalité. Pendant la Première Guerre mondiale, on a mis en place un système temporaire pour sanctionner les Français qui ont rejoint l’ennemi. Sous le régime de Vichy, cette procédure a été utilisée à grande échelle et a mené à la déchéance de 15 000 personnes, principalement des Juifs, de leur nationalité française.
La notion de déchéance de nationalité n’a pas toujours été aussi sombre.
Elle a fait son apparition lors de la IIème République en 1848, lors de l’abolition de l’esclavage. Selon Jules Lepoutre, posséder des esclaves était considéré comme « une indignité absolue ». Ainsi, la déchéance de nationalité visait ceux qui continuaient à en faire commerce même après son abolitions. C’était la première fois que l’idée d’une nationalité dépendant de la dignité était présentée.
Alors, qu’est-ce qui se passe ailleurs ? D’autres pays européens qui utilisent la déchéance de nationalité essayent, tout comme la France, de ne pas créer des apatrides. En revanche, certains ont réduit les critères pour pouvoir appliquer cette procédure.
En Belgique et au Royaume-Uni, les citoyens peuvent se voir retirer leur nationalité s’ils l’ont eue à la naissance. Après les attentats de 2015, François Hollande a essayé de l’instaurer, mais il a finalement changé d’avis.
Les Britanniques sont encore plus préventifs quand il s’agit de la déchéance de nationalité. Comme l’a expliqué Jules Lepoutre, le gouvernement peut retirer la nationalité à un citoyen s’il pense que c’est dans l’intérêt général, même s’il n’a pas été reconnu coupable d’un acte spécifique. Et apparemment, les Britanniques adorent cette loi : plus de 800 cas ont été ouverts depuis les vingt dernières années.
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