Le Danemark est devenu un pays « sexy ». Du moins, pour certains responsables politiques comme Eric Ciotti, qui s’est envolé mardi vers le nord de l’Europe avec une poignée d’élus pour rencontrer des responsables danois et analyser la politique de réduction drastique des flux migratoires de l’Etat scandinave. Cette politique d’immigration, l’une des plus restrictives d’Europe, est un « modèle » pour la droite ou le Rassemblement national, et un sujet de curiosité pour de nombreux responsables politiques français.
« Un nationalisme social au nom de l’Etat providence »
Depuis une vingtaine d’années, le Danemark a opéré un changement politique spectaculaire en matière migratoire, avec une accélération depuis la crise des migrants en 2015. Le pays a mis en place une batterie de mesures dissuasives pour les étrangers, telles que la possibilité de confisquer les biens à l’arrivée sur le territoire, un accès restreint aux allocations, des tests de langue renforcés et de connaissance de l’histoire du pays, des expulsions en cas de manquement à la loi, etc. Ces mesures ont été mises en place d’abord par la droite de gouvernement, sous pression du parti nationaliste (le Parti du peuple danois), puis par le gouvernement social-démocrate, au pouvoir depuis 2019.
« La victoire des sociaux-démocrates procède d’un nationalisme social assumé au nom de l’État providence. C’est sur cette base que les politiques migratoires restrictives ont été conçues à partir des années 2000 », explique la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). « La politique migratoire fait aujourd’hui l’objet d’un consensus. En un peu plus de vingt ans, les Danois ont changé de majorité à plusieurs reprises, mais jamais de politique migratoire », précise le texte.
La loi sur les étrangers a ainsi été modifiée plus de 130 fois en vingt ans, dans l’objectif de restreindre l’immigration et durcir les conditions d’accueil, s’attirant à plusieurs reprises les critiques d’organisations internationales. Et La Première ministre actuelle, Mette Frederiksen, continue de défendre l’objectif « zéro réfugié », alors que les demandes d’asile ont déjà chuté de plus de 80 % depuis 2014.
« C’est une référence en matière de maîtrise migratoire »
Cette politique, soutenue par une écrasante majorité de la population danoise, a fait reculer l’immigration dans les sujets de préoccupation. « Entre janvier 2020 et novembre 2022, ce thème est passé de la deuxième à la huitième place », rapporte la Fondapol. Ces résultats ne manquent pas d’être scrutés en France, où la question migratoire fait régulièrement l’objet de tensions. « L’immigration transcende les clivages au Danemark. Ils ont réussi à dépolitiser le sujet, à ce qu’il ne soit plus tabou, comme c’est trop souvent le cas chez nous », soupire Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes. « C’est une référence en matière de maîtrise migratoire. Nos propositions s’inspirent en grande partie de ce qui s’est fait dans ce pays », ajoute-t-il, alors que LR a présenté ce dimanche deux propositions de loi sur le sujet.
La droite n’est pas la seule à s’intéresser au cas scandinave, souvent cité en exemple par Eric Zemmour ou le Rassemblement national. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, était lui aussi début mai dans le pays de Hamlet. « Je rencontre ici, à Copenhague, les responsables de la classe politique danoise […] pour comprendre comment ce centre-gauche a opéré une mutation idéologique assez importante qui lui a permis de mettre au tapis l’extrême droite », expliquait-il dans une vidéo ambiguë publiée sur Twitter. Si l’ancien socialiste se félicitait de la chute électorale du Parti du peuple danois (passé de 21 % en 2015 à 2.7 % en novembre 2022), il ne soutenait pas pour autant la politique menée.
Contacté par 20 Minutes, son entourage précise : « Jamais la France n’ira aussi loin que le Danemark, les mesures ne sont pas duplicables pour des raisons historiques, culturelles, géographiques et juridiques. Mais la gauche peut et doit parler d’immigration. Elle est légitime lorsqu’elle développe un discours sur la soutenabilité du modèle social ».
Etre ou ne pas être Danois ?
Au sein de la majorité, on admet une certaine curiosité. « C’est intéressant, c’est un modèle que l’on regarde. On voit bien que lorsqu’on est très clair sur les principes, l’extrême droite recule… », confie un député cadre de Renaissance.
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