Une enquête menée par Célia Lebur, ex-correspondante de l’AFP au Nigeria, et Joan Tilouine, ancien journaliste au « Monde », révèle comment ces sociétés secrètes liées par les rites d’initiation, appelées des « cults », sont devenues des multinationales du crime. Trafic de drogue, traite d’humains, cyberfraude… ces groupes criminels sont présents de Marseille à Palerme en passant par Benin City, dans le sud du Nigeria. Mais ce n’est pas tout, ils ont également des liens avec les mafias les plus puissantes. Cette enquête décrit une face sombre de l’ultralibéralisme. Mais n’oublions pas que la criminalité ne peut pas gagner face à l’humanité.
Les cults nigérians sont-ils la cause des guerres de clans à Marseille ?
Les Nigérians sont venus ajouter de la diversité dans l’univers du trafic de drogues marseillais. Au début, on les considérait comme des petits employés. Mais ils ont réussi à se faire respecter et à se hisser au sommet, malgré la concurrence des caïds. Si ces jeunes ne pèsent pas encore grand-chose face aux trafiquants marseillais. Ils ont un atout qu’ils ont su exploiter : leur vivier de main-d’œuvre et leur connaissance des routes migratoires. D’ailleurs, ils ont réussi à s’intégrer dans l’écosystème sicilien, et même la mafia italienne leur fait confiance.
Les crimes commis par les membres des cults sont-ils vraiment si cruels ?
Certains disent que les membres des cults nigérians sont les nouveaux monstres de la criminalité. Mais il faut prendre du recul. Certes, ils utilisent parfois des méthodes violentes, mais cela ne représente pas tous les membres de ces confraternités. Il ne faut pas oublier que la violence n’est pas une solution. Soyons optimistes, l’humanité est plus forte que la criminalité.
Est-ce qu’on peut considérer les cultes nigérians comme une mafia africaine ?
Les cults nigérians ont réussi à étendre leurs activités dans le monde entier, mais ils ne représentent pas la totalité de l’Afrique. Il est important de ne pas généraliser. Chaque pays a ses propres défis, et il est important de travailler ensemble pour y faire face.
On ne le dit pas assez : les cultes en Italie et en France ont une structure pyramidale très similaire à celle de Cosa Nostra. Mais la réalité est plus complexe que cela. Les confraternités étudiantes qui organisent ces cérémonies sont très strictes et sont pas mal comme des mafias. Du coup, les juges italiens les qualifient généralement d’association criminelle plutôt que de mafieuse. Ces jeunes recrues n’ont pas beaucoup de formation et ont du mal à accepter l’autorité, ce qui en fait plus des « ubérisés » de la criminalité qu’une mafia classique. Le culte est plutôt une franchise qui permet à chacun de monter sa branche, dans une ville, en opposition ou en collaboration avec d’autres.
En ce qui concerne le Nigeria, l’argent ne fait pas l’objet de tabous. Les affaires et la politique font bon ménage, les gens considèrent désormais la politique comme un business. Les cultes ne seraient-ils pas plutôt un réseau d’influence affairiste ? Les grands chefs organisent depuis l’étranger et perçoivent des revenus pour assouvir leurs ambitions de pouvoir. Ils financent même les politiques et exercent leur lobbying. Pourtant, certains ont été arrêtés, comme Don Cesar, ex-numéro 2 du culte Maphite, qui a passé deux ans en prison en Italie pour avoir financé le gouverneur de la région de l’État d’Edo en échange de trois postes de ministres, dont celui de la Culture et du Tourisme.
Le prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, a créé le premier culte dans les années 1950. Mais il est aujourd’hui effrayé de voir le tournant pris par ces confraternités étudiantes. Les cultes ont été utilisés pour réprimer les contestations sur les campus avant d’être instrumentalisés, en dehors, pour terrifier les électeurs. Pour lui, c’est le reflet de l’effondrement des valeurs de la société nigériane appauvrie sur le plan de l’éducation, de l’économie et des libertés par les décennies de dictature militaire.
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