En 2016, Tongoro a vu le jour à Dakar . Depuis, sa marque a été adoptée par de nombreuses stars de la télévision et est maintenant un succès international. Sarah Diouf veut utiliser cette célébrité pour promouvoir l’artisanat africain et pour inspirer d’autres créateurs sur le continent.
Avant 2018, Tongoro, la marque sénégalaise créée par Sarah Diouf, 35 ans, avançait tranquillement. Mais, après que Beyoncé a été photographiée en vacances en Italie vêtue d’un Tongoro, tout a changé. Puis, à la fin juillet 2020, Black Is King, le long-métrage musical de la star américaine est sorti, où elle portait un ensemble pantalon noir et blanc de la marque au milieu de flamants roses. 11 millions de personnes ont vu le film en deux jours, ce qui a considérablement augmenté la notoriété de Tongoro et le nombre de commandes.
Depuis qu’elle a fait ses débuts, la reine de la pop est devenue une habituée de ce lieu et son portrait se trouve dans le hall de Scat Urbam, un bâtiment moderne à Dakar, à côté de ceux d’Alicia Keys et Naomi Campbell. C’est là que la créatrice a élu domicile et ouvert son atelier et son bureau.
Les ambassadrices VIP se sont tout de suite impliquées avec la marque, car Sarah Diouf mélange mode, tissus, coupes et volumes pour raconter son continent. Son « Afrique en marche », représentée par ses créations, a attiré l’attention des plus engagés. Elle, qui est basée à Paris, a d’abord pressenti une renaissance africaine encore sous-jacente, et c’est sa rencontre avec « Dakar la créative » qui lui a permis d’affiner son projet.
C’est avec ses deux origines, sénégalo-centrafricaine et sénégalo-congolaise, qu’elle a grandi en Côte d’Ivoire. Elle se sentait comme « un enfant de l’Afrique ». Dans les années 2010, les tissus africains ont suscité beaucoup d’intérêt, ce qui a permis une réappropriation des cultures traditionnelles et une émergence de créateurs contemporains africains. Cette effervescence autour de l’Afrique et de ses produits l’a inspirée, mais il lui a fallu plusieurs années pour trouver sa véritable voie.
« afficher la fierté africaine »
Après avoir obtenu un diplôme en gestion du marketing et de la communication à Paris, elle a entamé sa carrière en 2009 avec la création de Ghubar, un webzine qui « met en avant les artistes africains et arabes dans le monde de l’art, de la culture et de la mode ». Puis en 2015, elle a ouvert Noir, un magazine lifestyle qui racontait la beauté et le style africains. C’est à travers ce portail qu’elle a fait son entrée dans le monde de la mode.
Depuis longtemps, Sarah Diouf souhaitait incarner la fierté africaine dans des créations de valeur. Elle a trouvé le meilleur moyen de raconter l’histoire de l’Afrique subsaharienne : créer une marque made in Africa. Et, pour cela, quoi de mieux que la mode ? Elle a donc entamé sa tâche et aujourd’hui, elle est à la fois conceptrice et metteuse en scène de ses collections.
En 2016, Sarah Diouf s’installe à Dakar, où elle se laisse séduire par l’omniprésence des tailleurs de rue affairés à créer sur mesure les tenues commandées par les clients. Elle s’inspire de ce talent brut et « fascinant » pour sa griffe. Elle s’entoure alors de 4 tailleurs dans son atelier et 8 autres à l’extérieur pour produire entre 100 et 200 pièces par mois. Des robes aux manches amples et aux épaules démesurées, ainsi que des combinaisons aux jambes larges font partie des modèles-phares de sa collection. Des pièces nobles, façonnées avec soin pour mettre en valeur le mouvement et encourager la liberté de bouger.
Sarah Diouf a créé son identité visuelle autour d’imprimés noir et blanc, inspirés des motifs floraux et de l’iconographie africaine classique.
Elle s’est appuyée sur les clichés des « pères de la photographie africaine » – Malick Sidibé (1936-2016) et Seydou Keïta (1923-2001) – pour élaborer un langage graphique qui est devenu le symbole de Tongoro, un nom qui signifie « étoile » en sango, la langue de la République centrafricaine. Sarah Diouf a élargi récemment sa gamme chromatique et la variété des pièces qu’elle conçoit, suite aux demandes de ses clientes.
Elle ajoute des accessoires de tête et des boucles d’oreilles démesurées à ses pièces de base pour les sublimer. Ces accessoires ont un style très stylisé et permettent de donner de l’élan à une coiffure et d’accentuer une posture. « Ma marque reflète mon enfance entourée de mélanges culturels », explique la créatrice qui adore mettre en relief les « volumes poétiques subtils du Sénégal » dans ses créations.
Chez Tongoro, le but est de créer des vêtements stylés avec des finitions impeccables, qui seront portés partout dans le monde, des États-Unis à l’Afrique. Actuellement, 60% des ventes se font aux USA, avant le Royaume-Uni et la France. En Afrique, c’est l’Afrique du Sud et le Nigeria qui sont les principaux marchés, loin devant le Sénégal qui progresse lentement.
Sarah Diouf a amélioré ses compétences en matière de marketing et s’est appuyée sur le numérique pour être présente partout.
Tous ses produits Tongoro se vendent uniquement sur son site web – à quoi bon se limiter à des points de vente physiques alors qu’on peut toucher un plus large public d’acheteurs à travers le monde ? En 2022, Tongoro est également disponible sur Net-à-porter, le site de vente de luxe, ce qui a permis d’atteindre une autre clientèle au Moyen-Orient. La collaboration, qui devait démarrer en 2020, a eu un retard de deux ans à cause de la pandémie de Covid-19 et de l’incapacité de la marque à produire deux collections de 1000 pièces par an.
On peut dire que le défi d’augmenter la production est bien présent au Sénégal. Sarah Diouf, parmi d’autres créateurs, a du former ses tailleurs en patronage pour y arriver. Avec l’objectif de devenir autonome et de produire 500 pièces par mois, Sarah cherche à mettre en place une unité de confection plus grande. Pendant ce temps, elle prévoit de nouer un partenariat avec une entreprise textile sénégalaise qui emploie déjà 100 tailleurs. Malheureusement, le manque de structure dans le monde de la mode au Sénégal la déçois. Mais Sarah Diouf ne baisse pas les bras et elle espère que son parcours pourra inspirer d’autres créateurs.
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