Commode était un empereur romain (180-192), le fils de Marc Aurèle, dont le règne fut caractérisé par la brutalité et le débordement. Dans l’histoire de Rome, la dynastie Antonine, à laquelle Commode appartient, est considérée comme le sommet de l’Empire romain. Les empereurs de cette ère – Nerva, Trajan, Hadrien, Marc Aurèle et Lucius Verus – sont généralement décrits comme de bons souverains. Marc Aurèle, qui termine la liste (son co-empereur Verus est décédé en 169), représente le symbole de l’empereur modéré. Mais la succession de Marc Aurèle a conduit à une complexe série d’événements dont l’empereur gladiateur n’est pas le seul responsable.
Naissance de Commode
Le 31 août 161, Lucius Aelius Aurelius Commodus est né à l’instant où Marc Aurèle montait sur le trône de l’Empire avec Lucius Verus. Il bénéficia rapidement d’un enseignement de qualité, étant entouré des meilleurs précepteurs du moment. L’empereur préparait-il déjà son fils à lui succéder ?. Cette pratique était inhabituelle dans la dynastie des Antonins, car les empereurs n’étaient que rarement liés par le sang. En ordinaire, l’empereur choisissait celui qu’il jugeait le plus apte à lui succéder, comme Nerva avec Trajan. Il est remarquable que l’hérédité ait joué entre Marc Aurèle et Commode.
Les Romains avaient l’habitude de se retrouver sous des empereurs qui tenaient leur pouvoir de leurs pères, comme Domitien. Hérodien, qui était très attaché au règne de Marc Aurèle, l’empereur philosophe par excellence qui représentait la vertu et la modération, nous décrit comment l’empereur malade devait se sentir contraint de laisser l’Empire entre les mains de son fils.
Hérodien souligne les inquiétudes que suscite chez lui le jeune âge du prince, et le danger que représenterait la perte du pater familias, dont l’influence était encore grande chez les Romains, car le jeune homme y trouvait les éléments lui permettant de devenir un homme modéré : « il est encore en pleine adolescence ; et dans ces eaux tumultueuses de la vie, il a besoin de bons pilotes qui guident sa naïveté et l’empêchent de s’écarter de la bonne route et de s’échouer contre les récifs de la méchanceté » (Hérodien I, 4). Il pointe également le risque que représentent les barbares, déjà une menace sous son règne et qui pourraient profiter de l’inexpérience du nouvel empereur pour attaquer.
La mort de Marc Aurèle
Marc Aurèle, sur le point de mourir, convoque ses hauts dignitaires autour de lui, ainsi que son fils. Il leur demande de prendre grand soin de son éducation et de le remplacer dans son rôle de père. Il ne souhaite pas pour autant confier l’Empire à quelqu’un d’autre, comme c’était l’habitude. Ainsi, Commode est clairement désigné pour monter sur le trône, avec la légitimité de l’hérédité et une éducation appropriée pour l’aider dans sa tâche.
Comme il le dit lui-même : « Aujourd’hui le sort m’appelle à lui succéder sur le trône, non comme un de ces princes, mes prédécesseurs, qui, étrangers au pouvoir, y parvenaient tout fiers de leur fortune : seul, je suis né, j’ai été élevé pour vous près du trône ; mon berceau ne fut pas celui d’un enfant obscur ; au sortir du sein maternel, la pourpre impériale m’a recueilli, et le soleil me vit à la fois homme et monarque » (Hérodien I, 5). Cela nous montre que la prise de pouvoir de Commode n’est pas le résultat d’une impulsion. C’est le résultat de la détermination de Marc Aurèle.
L’avènement de Commode
Le nouveau prince a été conseillé par les hommes de son père jusqu’à l’arrivée des flatteurs sournois. Ceux-ci ont commencé à encourager le prince à rechercher des délices et des plaisirs. Cette orientation est en contradiction avec la philosophie stoïcienne du temps, qui était majoritairement suivie par la noblesse et qui influença directement la morale chrétienne. Elle s’oppose aussi à l’épicurisme qui exalte la recherche du plaisir. On peut donc s’interroger sur les orientations du jeune prince et sur l’aversion que ses choix suscitèrent.
Commode interrogeait les proches de son père en ces termes . « Quand arrêterez-vous, ô notre auguste maître, de boire l’eau glacée qui fait l’objet d’un effort pour être tirée du sein de la terre? D’autres bénéficieront-ils de ces sources chaudes, de ces petits ruisseaux, de ces brises et de ce ciel que possède seule l’Italie ? Toutefois, cela ne correspondait pas à la situation politique à l’époque. Marc Aurèle était décédé sur les frontières du Danube et son fils devait terminer la guerre. Cependant, Commode souhaitait retourner à Rome, ce qu’il fit en confiant la défense frontalière à ses généraux.
La puissance de Pérennius et le complot d’assassinat.
Lorsque Pérennius arriva à Rome, la foule s’assembla pour lui rendre hommage, tandis que les sénateurs l’accueillirent. Il se rendit ensuite aux temples et se retira dans son palais. Son règne était dicté par les principes de son père et il prenait les conseils de ses plus hauts conseillers. Cependant, Hérodien mentionne un militaire nommé Pérennius qui avait tellement impressionné Commode. Celui-ci avait été nommé commandant de la garde prétorienne. Selon l’auteur, ce dernier aurait proféré des accusations mensongères contre les anciens conseillers de Marc Aurèle. Toutefois, c’est sa soeur, Lucilla, ainsi que son mari, Pompéianus, qui fomentèrent le premier complot contre Commode.
Quintianus, l’assassin engagé, se précipita sur l’empereur Commode le poignard à la main, à la sortie de l’amphithéâtre et s’écria : « Voici ce que t’envoie le Sénat ! » (Hérodien, I, 8). Les gardes arrêtèrent et tuèrent l’homme et Hérodien mentionna que cet événement était le début d’un changement d’attitude de Commode, spécialement envers le Sénat. Cela offrit à Pérennius l’opportunité de supprimer ses rivaux, y compris Lucilla, et ainsi d’exercer son influence sur le prince. Mais bientôt son emprise s’effondra car son fils, commandant les troupes en Illyrie, avait fait frapper des pièces à son effigie qui proclamaient une prétention impériale. Commode les fit tous les deux éliminer. Ainsi, il prit la décision de choisir deux personnes pour commander la garde prétorienne.
Maternus sème le trouble
Alors que Maternus se fit connaître comme un soldat, il se mit à pratiquer des actes de brigandage à une plus grande échelle en Gaule et en Espagne. Commode était furieux et ordonna à ses généraux de lutter contre la sédition. Marternus, quant à lui, se dirigea vers l’Italie pour mener une ambition impériale. Une occasion se présentait à lui à Rome : chaque année, au début du printemps, les Romains célèbrent la déesse Mère avec solennité et les citoyens et l’empereur lui-même font des offrandes des plus belles et précieuses œuvres à l’image de la déesse.
Alors que chacun se réjouissait de la liberté de se livrer aux divertissements les plus extravagants, l’empereur était la cible d’un complot ourdi par un individu qui voulait se fondre dans la foule avec ses complices afin de l’assassiner. Malheureusement, le complot a été démasqué par des hommes qui n’ont pas supporté d’obéir à un brigand. L’échec de ce complot a entraîné une répression sévère. On peut remarquer que, bien que le pouvoir impérial soit très puissant, il peut pousser les gens à vouloir l’abattre. Les rois français du Moyen Âge étaient intouchables. Mais ce n’était pas le cas des empereurs du IIIe siècle, dont on a pu observer une véritable valse.
L’empereur romain inquiet et Cléandre.
Après l’attentat avorté, l’empereur romain se vit contraint de s’éloigner des affaires de l’Etat et se rendait à Rome seulement de temps à autre. En outre, une épidémie de maladies contagieuses, introduite en Perse par les soldats de Lucius Verus, se propagea à nouveau dans l’Empire et, sur les conseils de ses médecins, Commode voyagea à Laurente qui était connu pour son air salubre.
Cléandre, ancien esclave passé affranchi de l’empereur, était très proche de Commode et lui tenait compagnie. Selon Hérodien, il cherchait à acquérir des faveurs afin d’accroître son influence et sa renommée. Pour y parvenir, il achetait des grandes quantités de blé pour le distribuer et se présenter ainsi comme un sauveur.
Depuis l’Antiquité, ce genre de pratiques est connu ; à Athènes. Les marchands de blé attendaient que la pénurie sévisse pour débarquer et augmenter les prix. Cléandre, quel que soit son but, avait provoqué la famine à Rome. Les habitants se dirigèrent vers le palais impérial pour réclamer des explications à l’empereur, qui ignorait la situation. Celui-ci ordonna alors aux gardes de charger la foule, ce qui se solda par une partie des personnes présentes tuées.
Le combattant impérial
Lorsqu’il parvint à Rome, l’empereur Commode eut à affronter ses craintes et à calmer les tensions. Hérodien décrit alors longuement les vices du prince, ce qui ne fit que renforcer le mécontentement des hommes vertueux. Il insiste sur le fait que Commode participait aux courses de chars, se livrait à des chasses d’animaux sauvages et même combattait comme un gladiateur dans l’arène. Les jeunes de bonne famille étaient connus pour leur goût du risque et du pittoresque.
Cette jeunesse dorée recherchait la vie sauvage et participait à des « exploits » tels que la gladiature. Cela ne représentait pas vraiment une nouveauté à cette époque. La vie aisée de ces jeunes les poussait à rechercher le risque, la passion et l’action interdite. Catherine Salles a abordé ce sujet dans Les bas-fonds de l’Antiquité.
Prodigalité et prédiction.
On raconta que des merveilles se produisirent alors à Rome, dont un incendie. Les Romains considéraient l’interprétation de phénomènes naturels ou non comme sacrée et les haruspices étaient censés décoder ces signes et déterminer leur signification positive ou négative. Hérodien a décrit ces événements dans sa chronique comme une volonté divine, révélée aux hommes à travers ces signes. C’est à ce moment-là que
En ce qui concerne Hérodien, il est critiqué à l’égard de Commode pour avoir porté une tunique richement brodée d’or, ce qui était contraire aux traditions romaines, puisque l’empereur n’était pas un roi mais un magistrat. Cependant, Dioclétien à la fin du IIIe siècle a mis en place le cérémonial oriental, avec des tenues très riches pour le prince, et le diadème est devenu une partie intégrante de l’habillement impérial. L’évolution de la dignité impériale a permis de voir plus clairement le comportement de Commode. Et de saisir la manière dont le pouvoir impérial s’est affirmé au fil des années, s’éloignant progressivement des principes républicains.
Dernière folie
La dernière folie de Commode fut de paraître dans l’arène armé, lors de la fête des saturnales. Ce qui était selon les Romains une insulte à la dignité impériale. Hérodien rapporte que les proches qui tentèrent de le dissuader furent accueillis par sa colère. Il écrivit une liste de sénateurs et de hauts dignitaires qu’il voulait voir mourir pour assurer sa tranquillité. Finalement, ses excès lassèrent le peuple qui l’appréciait auparavant.
La fin de Commode
Marcia, l’amante favorite de Commode, avait aussi essayé de le persuader, mais un enfant, attaché à l’empereur, était entré dans sa chambre et avait pris les tablettes funestes dans ses mains. Quand elle vit l’écriture de Commode, elle comprit ses intentions. Hérodien nous rapporte ensuite les paroles de Marcia qui se terminent par : « Mais un homme toujours ivre ne pourra pas vaincre une femme sobre » (Hérodien, I, 17). Cette phrase est intéressante ; elle oppose clairement la tempérance, une qualité essentielle pour un stoïcien, au comportement de Commode, qui était plus épicurien… et qui conduisit à sa chute.
L’image de Commode à travers les âges
Commode est l’empereur qui suscite encore aujourd’hui des passions. Et qui a été à plusieurs reprises mis en scène au cinéma. Comme dans La chute de l’Empire romain (1963) ou plus récemment dans Gladiator . Les interprétations des acteurs Christopher Plummer (1963) et Joaquim Phoenix (2000) sont remarquables. Révélant un personnage complexe, tourmenté, exubérant, mais jamais intrinsèquement mauvais. Cela contribue à rétablir sa réputation, qui avait été gravement entachée par les sources de l’époque et en particulier par l’Histoire Auguste, un texte consacré aux règnes des empereurs entre le IIe et le IIIe siècle. L’auteur, probablement un sénateur du IVe siècle, a recours systématiquement à des jugements de valeur et à des détails grivois, ce qui est incompatible avec les exigences d’une analyse historique.
A lire aussi :