L’État et les autorités locales ont justifié l’opération Wuambushu de Darmanin à Mayotte, disant qu’elle était nécessaire pour mettre un terme à l’immigration illégale comorienne.
Le 2 décembre 2022, un jeune homme a été assassiné à coups de machette [1], réactivant les tensions à Mayotte. Suite à cet événement, Alain Ruscio, historien spécialiste du colonialisme, a publié un article sur histoirecoloniale.net. Et les autorités locales ont évoqué leur crainte d’une « guerre civile ». L’opération Wuambushu de Gérald Darmanin a mis cette question importante à l’avant-plan de l’actualité. Il est donc pertinent de comprendre l’histoire de la présence française à Mayotte. Les Comores, un ensemble géographique qui est lié par l’ethnicité, l’histoire et la religion (l’islam), ne sont pas passés inaperçus aux yeux des Français qui se sont emparés de l’archipel par étapes, à partir de 1843, jusqu’à l’indépendance en 1975.
Les habitants des îles sont devenus des Mahorais et des étranger-ère-s.
Personne ne l’a vraiment dit, mais c’est une vérité : les Mahorais sont des Comoriens. Ils n’ont été considérés comme une entité autonome que depuis peu, même si on les appelle « Mahorais ».
Cours d’histoire
En 1972, les partisans du détachement des Comores de la métropole remportent les élections sur l’archipel. Le Mouvement de libération des Comores et la France acceptent, le 15 juin 1973, dans une Déclaration commune, que la population soit consultée sur le statut de l’archipel. La même année, l’Assemblée générale de l’ONU confirme ce processus et reconnaît le droit des Comores à l’indépendance et à l’intégrité territoriale. En 1974, l’assemblée générale de l’ONU réaffirme ces droits (résolution 3291, 13 décembre 1974).
Valéry Giscard d’Estaing, alors qu’il venait d’être élu président de la République, n’a pas fait de division supplémentaire du territoire des Comores. Il a soutenu que ces Comores étaient une seule et même unité et leur destin devait être partagé. Même si certaines personnes ont voulu une autre solution, il était naturel que leur sort soit commun, même si certains auraient pu ne pas vouloir en tirer les conséquences. Lors de l’indépendance de ce territoire, il n’y avait pas de raison de briser l’unité de ce qui a toujours été l’unique archipel des Comores.
Les résidents des différentes îles ont été invités à voter lors d’un référendum deux mois après la déclaration d’indépendance.
Le 22 décembre 1974, ils ont opté pour l’indépendance. Le 6 juillet 1975, l’archipel des Comores a proclamé son indépendance et le 9 juillet, André Rossi, porte-parole du gouvernement, a confirmé la position officielle française en déclarant : « Le gouvernement est ouvert à engager des négociations avec les nouvelles autorités. En ce qui concerne l’île de Mayotte, le gouvernement tiendra compte de la volonté exprimée ».
La France était bien décidée à ne pas perdre pied au cœur de l’Océan Indien, un lieu de passage stratégique des grandes voies commerciales et navigables. Mayotte y occupait une position géostratégique si intéressante qu’il fallait à tout prix déployer un morceau de France. Ainsi, en 1975, la base de la Légion étrangère, basée auparavant sur Grande Comore, s’est transférée à Mayotte. Et en 1976 une grande base navale y a été installée.
En 2021, les archives de la Défense nationale décrivent cette base comme une force de 1 700 militaires « qui protègent le territoire national et s’engagent dans la coopération régionale depuis La Réunion et Mayotte ». Elle « constitue le point central du théâtre “Océan Indien” pour assurer la surveillance des zones économiques exclusives associées aux îles de la zone de responsabilité, contribuer à la lutte contre les trafics et conserver une capacité d’intervention rapide ». Face à ces enjeux, la parole de Giscard ne pouvait pas grand-chose.
Le revirement de Valéry Giscard d’Estaing
En février 1976, Giscard à l’Élysée et Chirac à Matignon ont organisé un référendum pour Mayotte. La question posée était : « Je souhaite que Mayotte reste au sein de la République française? ». Or, 80% des Mahorais étaient alors illettrés et ne connaissaient même pas le français et où se trouve la France sur une carte du monde. Pourtant, le 8 février, 99,4% des votes exprimés se sont prononcés pour le maintien de Mayotte au sein de la France.
La France refuse donc d’obéir à la loi internationale, une attitude condamnée par l’ONU. Le 12 novembre 1975, l’Assemblée générale de l’ONU a donné son feu vert pour l’admission des Comores. En affirmant que l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel devaient être respectées. La Collectivité a été transformée en département en 2009, sans que l’opinion publique française ne soit informée.
Une décision difficile a été prise pour Mayotte, mais l’histoire de liens familiaux, amicaux et économiques qu’elle partage avec la métropole ne peut pas être ignorée.
De plus, les différences de niveau de vie entre les deux régions produiront un effet d’aspiration. Les avantages sociaux de la métropole seront progressivement étendus à Mayotte dans les années à venir.
Bien que l’extension soit lente pour éviter d’accroître les disparités régionales et ne pas pénaliser le budget de la métropole. Le SMIC payé est à 75% du montant de la métropole, ce qui est un soulagement. Le RSA est de 268 € à Mayotte, contre 8 à 900 selon les cas en métropole. Selon les statistiques, le PIB par habitant à Mayotte est neuf fois plus élevé que celui des trois autres îles. Malgré ses 84% de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Les mouvements migratoires n’ont jamais cessé
Depuis 1975, la migration n’a pas cessé. Les embarcations à destination de Mayotte sont devenues de plus en plus nombreuses et cela a des conséquences graves. Il y a de l’espoir, car Mayotte a la plus forte densité des départements français (hors Île-de-France). La Marine française veille sur l’île, ce qui est un grand avantage. La transformation de l’Élément Marine de Mayotte en Base Navale Mayotte soulève des questions. Mais les intérêts français sont bien protégés. Les Mahorais préfèrent rester français, espérant que l’aide de la France les aidera à se développer. Malheureusement, Mayotte n’est pas encore un eldorado, mais les Mahorais peuvent encore travailler ensemble pour rendre l’île sûre et prospère. Les politiciens qui ont causé cette catastrophe doivent être tenus responsables.
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