Sur les médias sociaux, il est possible d’obtenir des faux certificats médicaux personnalisés. Les faussaires n’hésitent pas à usurper l’identité de médecins authentiques, parfois sans que les acheteurs le sachent.
Emmanuel est dépassé. Un grand nombre d’arrêts de travail ont été émis sous son nom, sans l’autorisation de ce médecin généraliste. En 2022, de nombreux employeurs, mutuelles et caisses d’assurance-maladie contactent Emmanuel pour qu’il confirme l’authenticité des arrêts de travail, constatant plusieurs incohérences. Emmanuel se rend compte alors que son identité a été utilisée sans son consentement. Emmanuel, habitant en région parisienne, a été ainsi choqué par l’incident. « C’est très violent », a-t-il déclaré. Les arrêts ont été établis pour des personnes vivant partout en France, de Lille à Marseille. Intrigué, le médecin a mené sa propre enquête et a découvert qu’il était possible d’acheter des faux arrêts de travail avec le nom de médecins réels sur les réseaux sociaux.
Des certificats médicaux certifié et approuvé par un médecin qualifié.
En effet, si vous tapez « arrêt maladie » dans la barre de recherche de Snapchat, une plateforme très populaire auprès des 15-49 ans, vous trouverez de nombreux comptes suspects. Avec des « stories » promotionnelles, les escrocs offrent des arrêts de travail « signés et tamponnés par un véritable médecin », avec des « dates au choix », et proposent un envoi par mail « en moins de 15 minutes » ou un retrait sur place. Les tarifs varient notamment entre 15 et 30 euros.
On a donc pris l’identité d’un client potentiel et a obtenu des informations en contactant plusieurs revendeurs. Tous ont agi de la même façon. Il a été demandé son identité, son numéro de sécurité sociale, la durée souhaitée de l’arrêt maladie et éventuellement le motif. Une fois la résidence connue, un des vendeurs a déclaré : « C’est bon. J’ai un médecin à Paris. » Une phrase qui pourrait laisser entendre qu’il existe un réseau de médecins partenaires. En effet, le revendeur a proposé ensuite un envoi par mail contre virement.
Une consultation médicale complète à seulement 15 euros.
Un autre vendeur opte pour la sympathie, en laissant une multitude de messages vocaux. « Je suis honnête, je suis carré, sans arnaque et sans escroquerie. Mon objectif principal est donc de satisfaire les gens. Si ce n’est pas le cas, je ne veux pas être impliqué », dit-il en comparant ses services à ceux des autres faussaires. Il est très coopératif lorsqu’on lui demande de procéder à une remise en main propre.
Le point de rencontre choisi est situé près d’un arrêt de tramway en région parisienne. Avant de se montrer, le faussaire a demandé une photo de son client, car il était en mode parano. Il est arrivé avec un jeune enfant. Il nous a remis le document vierge, avec le cachet d’un vrai médecin et il s’est même donné la peine de nous expliquer comment le remplir et à quoi servent les trois volets. La transaction s’est effectuée pour 15 euros. Il a aussi ajouté qu’il pourrait livrer à domicile la prochaine fois mais que cela coûterait plus cher.
Le médecin généraliste appelé pour discuter de la feuille de soins s’est plainte : « C’est un désastre. J’ai eu une tonne de ces feuilles. Et les gens qui viennent au cabinet pensent que c’est moi qui les ai émises. Ils ne comprennent pas, ils pensent donc que c’est de la télémédecine. »
Une perte s’élevant à plusieurs millions pour la Sécu.
La Sécurité sociale estime ainsi le coût des faux arrêts de travail pour les assurés à 3,4 millions d’euros en 2021. Si des cas d’usurpation d’identité sont constatés, le médecin doit en avertir la CPAM et prévenir les autorités compétentes. La CPAM peut alors vérifier les informations de l’Assurance-maladie et procéder à des investigations pour détecter les arrêts de travail frauduleux.
Lorsque des arrêts de travail s’étendent sur plusieurs mois, le service de Sécu effectue des contrôles médicaux et administratifs. Il se réserve le droit de suspendre les indemnités journalières, imposer des pénalités financières et transmettre des informations à la justice si une fraude est découverte. Emmanuel a suivi tous ces pas, mais plusieurs mois après sa plainte, il constate avec amertume : « Rien n’a changé. La Sécu me contacte chaque jour pour me demander de confirmer ou d’infirmer des faux arrêts de travail. »
Comment empêcher ce phénomène ? D’après le médecin, il est relativement facile de modifier un arrêt sur Photoshop ou de voler une feuille de soins. Pour lui, il faudrait donc « accorder une importance toute particulière à la transmission électronique des arrêts, éliminer ou encadrer plus strictement la rédaction d’arrêts de travail sur papier ou via des plateformes de téléconsultation, surveiller et contrôler les réseaux sociaux ». Un habitant du Val-d’Oise qui a aussi commercialisé des faux arrêts maladie sur les réseaux sociaux en octobre 2022 a été condamné par La Gazette du Val-d’Oise à 1 500 euros d’amende pour altération frauduleuse de la vérité dans un écrit et usage de faux en écriture.
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