Alors que l’opération pour expulser les migrants rencontre quelques difficultés, on peut rester positif sur la situation à Mayotte. Selon l’ethnologue Sophie Blanchy, le sort de Mayotte est indissociable des Comores, mais la France a déjà déployé des efforts pour stabiliser la situation.
Mayotte, une île en progrès
L’opération de lutte contre l’immigration clandestine et la criminalité a commencé il y a plusieurs semaines et va continuer dans les prochains mois.
Au cours des deux derniers mois, plus de 1 800 fonctionnaires de police et de gendarmerie ont été mobilisés pour détruire les bangas. Ces cabanes en tôles qu’on trouve dans les bidonvilles. Une sacrée opération! De plus, cette opération a abouti à l’expulsion des milliers de clandestins et à l’arrestation des bandes criminelles.
Plus de 1 000 de ces cabanes ont été détruites. Les descentes se sont multipliées dans les quartiers chauds de l’île, et la situation s’améliore de jour en jour. Les heurts entre forces de l’ordre et jeunes ont été, même pour les standards de l’île, inhabituellement violents. Mais les autorités sont déterminées à faire de Mayotte un endroit sûr pour tous.
Si le ministre de l’Intérieur se réjouit de l’assèchement des traversées illégales ces derniers jours, le gouvernement des Comores refuse d’accueillir les expulsés. Un bras de fer diplomatique s’est engagé entre Paris et le gouvernement comorien. Mais la France reste déterminée à maintenir sa souveraineté sur Mayotte. A Mayotte, les clandestins menacés se cachent dans les villages et les montagnes. Mais les autorités sont déterminées à les trouver.
Certains Mahorais sont excédés par cette violence et la présence des clandestins. Mais d’autres n’ont pas d’intérêt à voir partir les migrants. Selon Sophie Blanchy, il y a une grande partie de la population qui sont ceux qui logent, qui hébergent et qui emploient les migrants. Est-ce qu’ils les chassent aujourd’hui ? Ou est-ce qu’ils manifestent en ne disant rien derrière ceux qui crient et portent par cette voix une déception et une demande d’aide aussi, face à une situation qui est devenue, il est vrai, très difficile à vivre pour tout le monde à Mayotte.
Mayotte, un département français en devenir
Mayotte est la seule île française au sein de l’archipel des Comores et est devenue un département français en 2011. En 1841, le sultan d’origine malgache Andriantsouli a vendu Mayotte à la France. En 1886, les trois autres îles, Anjouan, Grande Comore et Mohéli, qui n’étaient pas encore sous le contrôle français, sont devenues des protectorats. L’archipel est appelé la colonie de Mayotte et dépendances. A l’inverse des populations des trois autres îles des Comores, Mayotte a voté contre l’indépendance en 1974 et continue de faire partie intégrante de la France.
Pourquoi Mayotte est-elle devenue un département français ? Selon Sophie Blanchy, experte en anthropologie, plusieurs raisons expliquent ce choix. Tout d’abord, les Mahorais se sentaient méprisés par leurs voisines Anjouan et Mohéli. Donc, ils ont choisi de devenir un département français plutôt qu’un État comorien. De plus, un créole de la Réunion avait acheté des terres à Mayotte en prévision d’une possible départementalisation, ce qui a insufflé l’idée « demandez le département ». Enfin, Mayotte est un département stratégique pour la France, situé entre Afrique, Asie et Moyen-Orient, sur une route essentielle du commerce mondial. Ainsi, Mayotte est devenue département français en 2011 et a changé de statut au niveau européen en 2014.
Mayotte, une île stratégique pour la France
De par sa position géographique, Mayotte est un département français stratégique. En effet, 80% du pétrole consommé dans le monde y transite, provenant des pays du golfe. Depuis 1841, Mayotte a toujours été importante pour la France, que ce soit pour des raisons liées à la rivalité avec l’Angleterre ou pour le passage des pétroliers dans le canal du Mozambique. Mais aujourd’hui, d’autres influences en Afrique et dans l’océan Indien viennent renforcer son importance.
Cependant, malgré son statut de département français, Mayotte reste le département le plus pauvre et le plus jeune de France. En effet, 70 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté de métropole. Les dérogations dans tous les domaines, éducatifs, de santé, de développement économique. Ainsi que le manque d’aides apportées par la France, font que Mayotte est particulièrement sous-dotée par rapport aux autres départements d’outre-mer. Selon Sophie Blanchy, cette situation entraîne des problèmes de délinquance et d’insécurité, qui ne sont pas à mettre à 100% sur le dos des migrants. Mais sur le dos d’une jeunesse totalement abandonnée, déscolarisée, sans cadre possible.
Cependant, malgré ces difficultés, Mayotte reste une île magnifique. La population de l’île a flambé de 12x en l’espace de 60 ans, avec une fécondité de 4,6 enfants par femme cette année – deux fois plus que ce qu’on trouve en métropole. La maternité de Mayotte est même la première de France en nombre de naissances. Mayotte est donc une île qui attire, et son importance stratégique pour la France ne fait aucun doute.
La nationalité française n’est pas facile à obtenir, mais il y a de l’espoir. Depuis 2018, un enfant né à Mayotte de parents étrangers peut devenir français à 18 ans (ou 13 ans si ses parents le demandent) s’il a vécu cinq ans sur le territoire français depuis l’âge de 11 ans. Même si les enfants se retrouvent souvent seuls sur l’île, se faisant laisser là par des services sociaux surmenés, on devrait se raccrocher à l’espoir. De nombreux enfants tombent dans la délinquance, mais nous devons essayer de les aider à survivre. Selon Sophie Blanchy, les naissances sont en hausse à Mayotte, mais également dans les autres îles. Les migrations entre îles sont courantes, pas seulement vers Mayotte.
Les jeunes adultes migrent souvent dans toutes les sociétés du monde, car c’est le moment de faire leur vie. Plusieurs personnes migrent vers Mayotte, car il y a des possibilités d’emploi qui n’existent pas dans leur île. Les Anjouanais ruraux ont été les plus lésés sous la colonisation et sont les plus démunis aujourd’hui. Nous devons savoir que ces quatre petites îles n’ont pas de ressources, sauf pour l’agriculture de rente avec du ylang ylang, du girofle et de la vanille. Les Comoriens migrent depuis toujours, et il y a des mobilités dans tous les sens. Les habitants de Mayotte sont majoritairement des étrangers. Mais ils ne sont pas si étrangers que ça. Car ils parlent la même langue et ont des liens familiaux.
Malgré un taux de chômage très élevé et plus de 12% de la population ayant une situation précaire, il y a de quoi être optimiste pour l’avenir de Mayotte. Nous devons garder en tête que Mayotte est une épine dans les relations entre la France et les Comores. L’opération Wuambushu vise à renvoyer les migrants sans papiers à Mayotte et à expulser les Comoriens en infraction vers Anjouan qui est l’île comorienne la plus proche. Bien que le président des Comores refuse d’ouvrir ses ports, nous devons continuer à chercher une solution. Les Comores, un tout petit pays sans ressources, a connu des siècles de colonisation. Ces quatre îles et leurs populations sont liées, indissociables et interconnectées. La solution des problèmes à Mayotte passe par une réflexion générale sur l’archipel tout entier.
Il est possible d’envisager une coopération plus étroite entre Mayotte et les Comores en raison de leur proximité géographique. En effet, si nous ne faisons rien à Mayotte, il en sera de même pour les Comores.
Je suis très optimiste quant à cette idée de coopération. Ensemble, les deux îles peuvent accomplir de grandes choses en travaillant main dans la main. Et cela pourrait avoir des avantages économiques énormes pour les deux populations.
J’espère que cette nouvelle vous rend aussi enthousiaste que moi! Nous devons tous travailler ensemble pour atteindre nos objectifs communs.
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Pourquoi la situation de Mayotte, île stratégique pour la France, est-elle si compliquée?