Dans un post sur LinkedIn, Owen Simonin, entrepreneur crypto, a proposé une loi visant à restreindre les communications et promotions autour des produits et services liés à la cryptomonnaie, la blockchain et la Finance Décentralisée. Un futur qui implique non seulement les influenceurs et la jeune industrie Web3 de la France, mais aussi une image de la capacité à soutenir l’innovation, que le ministre de l’économie a récemment rappelée en affirmant que la France est destinée à devenir « un hub crypto européen ».
Alors, le Projet de Loi N°790, c’est quoi exactement?
La législation française concernant les projets cryptos pourrait subir le coup de grâce suite à la proposition de loi (PPL) visant à « lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ». Arthur Delaporte et Stephane Vojetta ont présenté cette PPL le 31 janvier 2023, et les débats autour de cette loi ont commencé. Elle s’applique à de nombreux domaines, mais dans ce billet, je m’attarderai surtout sur les cryptoactifs, qui sont mon domaine de compétence et qui subiraient le plus les conséquences de cette proposition.
Interdiction pour les influenceurs de faire des promotions sur les actifs numériques
Ce projet de loi propose, en modifiant le code de la consommation, d’interdire aux influenceurs de promouvoir des actifs numériques qui peuvent causer des pertes financières ou pour lesquels on trouve un avantage en nature (Art. 1, al. 7). Si un influenceur ne respecte pas cette règle, il risque une peine de cinq ans de prison et 375 000 € d’amende.
La définition d’influenceur est si large qu’elle peut comprendre des médias spécialisés sur les crypto-monnaies, des créateurs de contenu sur YouTube et Twitch, des pages d’information et de partage sur les réseaux sociaux tels que Facebook et des publications Twitter, ainsi que des groupes de discussion sur Telegram et Discord qui rassemblent beaucoup de lecteurs.
En face de cette idée de bannir les communications payantes, des alternatives sont proposées. Mais selon moi, ces propositions sont dangereuses, ne correspondent pas à la réalité et ne sont pas vraiment des alternatives à part entière.
Les « alternatives » à l’AMF incluent systématiquement un enregistrement des influenceurs auprès de l’Autorité des Marchés Financiers avant qu’ils puissent poursuivre leur promotion et une autorisation pour les influenceurs enregistrés de promouvoir uniquement les produits et services des annonceurs agréés PSAN. Et, le 17 mars, cette seconde alternative a été ajoutée à la proposition de loi.
Donc, pourquoi vous dire que ces possibilités ne sont pas viables ?
Les influenceurs non enregistrés auprès de l’AMF ne peuvent pas promouvoir des actifs numériques à risque de perte en capital. Mais le problème, c’est que cette définition est trop large. Elle englobe les services additionnels sur les cryptoactifs, les ICO, les collections NFT et les protocoles de finance décentralisée. Donc, presque tout ce qui se trouve dans l’écosystème des cryptoactifs serait interdit.
Une interdiction de faire de la promotion de projets liés aux cryptoactifs par des influenceurs « non enregistrés auprès de l’AMF » peut être une bonne idée.
Une telle interdiction vérifierait les compétences et l’éthique de ces communicants, mais cela serait difficilement applicable puisque la majorité d’entre eux ne sont ni Français, ni résidents fiscaux Français, et n’ont pas d’activité en France. En outre, cela nécessiterait de mobiliser de nouvelles ressources humaines auprès du régulateur, mais l’Autorité des Marchés Financiers est déjà sous-dotée pour les enregistrements des entreprises.
Ces interdictions ne s’appliqueraient donc qu’aux influenceurs français, qui relèvent de la loi française. Cela concerne une minorité, car la plupart des personnes qui trompent et abusent sont des francophones qui vivent à l’étranger. Par conséquent, cette mesure restreindrait le nombre de communicants honnêtes et offrirait plus d’espace pour ceux qui n’ont pas à se conformer à des règles.
En France, le terme « influenceur » a une connotation négative car il est associé à l’idée archaïque d’une personnalité de télé-réalité qui fait la promotion de produits douteux depuis une plage artificielle. Mais ne mélangeons pas tout, un influenceur, c’est bien plus que ça. Et ce n’est certainement pas ce que la législation définit.
Les influenceurs doivent se limiter aux entreprises enregistrées ou agréées par l’AMF pour pouvoir contracter et communiquer.
Pour le moment, on compte 60 entreprises dans ce cadre (alors qu’il y en a plus de 600 en France). Et cela signifie que beaucoup de projets, notamment des cryptoactifs, qui n’ont pas besoin d’être légalement enregistrés PSAN ne pourront plus communiquer par le biais de ces influenceurs. Prenez Sorare et Sandbox, deux licornes françaises de notre écosystème, par exemple, aucune n’est PSAN.
Le marché des entreprises agréées et enregistrées auprès de la PSAN est énorme.
On parle beaucoup du nombre de <b>sociétés agrées et enregistrées PSAN qui existent sur le marché. C’est un secteur qui connaît une croissance considérable depuis quelques années et qui est toujours en expansion. On peut dire que le marché des <b>sociétés agrées et enregistrées PSAN est plus grand que jamais.
Aujourd’hui, il n’existe encore aucune entreprise agrée PSAN en France. Cette proposition revient donc à autoriser La communication sur exactement « zero » entreprises est-elle une interdiction déguisée ? Même si cette proposition s’appliquait uniquement aux entreprises enregistrées auprès de la PSAN, ce n’est pas viable. Si elle était acceptée, les influenceurs enregistrés auprès de l’AMF ne pourraient communiquer que sur les entreprises enregistrées. Pour illustrer mon étonnement, j’ai jeté un coup d’œil aux métriques de plusieurs acteurs de l’industrie, notamment chez Hash Consulting, un de nos concurrents, ainsi que chez des influenceurs et des organismes de presse crypto.
Et voici ce que j’ai trouvé :
Au cours des trois dernières années, seulement 4 à 6 % des campagnes de communication sponsorisées ciblant la communauté francophone concernaient des entreprises enregistrées comme PSAN. Cela représente une minorité écrasante des acteurs de l’industrie, pour la plupart sans budget pour la communication. En outre, moins de 1 % des visiteurs des sites de presse spécialisés consultent du contenu associé à des acteurs enregistrés en tant que PSAN.
Les principales sources de revenus des acteurs interrogés proviennent d’entreprises étrangères.
Ces mêmes entreprises pourraient potentiellement s’ouvrir à la France pour s’y développer avec l’accord du régulateur, comme Binance et Swissborg. Mais cela risque de ne pas être possible si ce projet de loi devient une réalité.
Une activité de presse promotionnelle ne peut pas survivre avec une telle restriction. Et même les cryptomonnaies n’ont pas vraiment leur chance dans les marchés francophones. La blockchain est un monde qui évolue avec les tendances technologiques, rempli d’innovations de partout. C’est ce que les lecteurs et auditeurs recherchent chez les “influenceurs”.
4/ Nouvelle méthode pour s’informer
On ne peut pas le nier, les Français s’intéressent au sujet et ce n’est pas mon avis qui le dit, ce sont des faits : l’étude réalisée par KPMG et IPSOS pour l’Adan, les vues sur mes vidéos, la portée des publications sur les réseaux sociaux, ainsi que les plus grandes entreprises françaises qui s’y sont lancées (Lacoste, AXA, Renault,…). Cette tendance est visible partout dans le monde, mais pas dans les mêmes proportions. Pourquoi ? Nous avons la chance en France d’avoir des acteurs qui ont consacré temps à vulgariser le sujet sur différents canaux. Notre écosystème est riche en contenus gratuits, très appréciés par la communauté.
On trouve principalement des informations sur ces sujets sur les réseaux sociaux et les chaînes d’influence. La France ne les autorisant pas sur son territoire, les Français se tourneront vers des chaînes francophones qui se manifesteront à l’étranger. Ceux qui n’ont pas respecté les anciennes règles sont récompensés au détriment de ceux qui se sont montrés plus vertueux.
On doit d’être transparent :
Je suis le plus grand influenceur francophone sur les sujets de blockchain et de cryptomonnaies. Je suis également le fondateur de Hash Consulting, une agence de communication et d’influence qui s’adresse principalement à la communauté francophone. Enfin, je suis le fondateur de Meria, une entreprise française enregistrée auprès de la PSAN. Elle est soumise à la réglementation de l’AMF.
Qu’il s’agisse de mes activités d’influenceur, d’entrepreneur ou personnel, mes équipes et moi sommes toujours aussi responsables que possible. Nous ne prenons jamais de raccourcis ni ne cédons à la facilité, et choisissons systématiquement nos communicants, partenaires et annonceurs en respectant les recommandations et/ou législations en vigueur. Même si la loi n’était pas encore là, nous n’avons jamais abusé de la situation. Nous avons toujours suivi scrupuleusement les obligations des régulateurs.
Le projet de loi récompense les communicants qui font preuve de bonne foi et qui résistent à l’appel de l’étranger. C’est mon cas et celui de beaucoup d’autres acteurs du secteur. Mais il n’y a aucune distinction entre notre travail honnête et responsable et celui d’une personne lambda qui pourrait promouvoir une arnaque à l’autre bout du monde.
Avec cette loi, on ne nous laisse aucun autre choix que de fermer boutique. Je fais appel à la réflexion de tous ceux qui se réuniront le 27 mars pour discuter de cette proposition. Donc, à moins qu’on trouve une solution, la communication française des projets Blockchain & cryptos va s’éteindre.
Les personnes concernées par le développement des actifs numériques feraient bien de jeter un œil à la proposition que publiera l’Adan d’ici 24h. Et de rester raisonnable dans la rédaction d’une proposition applicable et viable en France.
Je pense qu’il est crucial d’être consciencieux et de respecter les règles de la promotion claire et non trompeuse. L’honnêteté et l’éthique doivent primer lors de toute promotion et tous les risques doivent être explicitement communiqués aux consommateurs. La confiance entre le promoteur et le produit repose sur ces fondations. L’ADAN propose un cadre pour le métier d’influenceur, ce qui est nécessaire. Il serait également judicieux de préciser ce qu’est un « influenceur » pour éviter toute confusion.
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